I. Il était une foi l'Inde

Satya se souvient d'une histoire qu'Alisha lui a raconté il y a de cela ce qui lui semble une éternité. La récit d'une enfant laissée à l’abandon sur les rives du Gange et qui portée par un flot incertain arriva jusqu'à elle. Souvenir d'un hasard qui permit à deux êtres de se rencontrer, de se découvrir pour être lié par un lien si particulier et puissant : mère et fille. Alisha aimait lui raconter qu'elle se trouvait là prise dans un désarroi qui dictait à son âme des comportements destructeurs, qui lui conseillait le geste ultime qui l'aurait vidée de toute douleur mais aussi de toute espérance. Alisha n'espérait qu'une chose : que la vie la quitte à tout jamais quand elle l'avait vue. Perdue, seule dans un petit berceau en osier, l'enfançonne était arrivée tel un présent des Dieux. Désespérée de ne pouvoir avoir un enfant, la nature l'ayant rendue stérile, elle avait de suite aimé ce nouveau né qui n'était pas d'ici, qui lui était offert. Et toujours Alisha terminait son histoire de la même manière, par cette phrase si simple et si poétique au coeur de la petite :

- Ce cadeau du ciel, cet enfant, c'est toi ma petite Satya, mon petit trésor...

Le sourire aux lèvres, elle sombrait alors dans le sommeil, bercée par cette histoire si poétique, par son histoire. C'est le hasard qui l'avait amenée là et elle fut accueillie à bras ouverts, élevée par la caste des kshatriya, classe noble indienne. Jamais on ne lui reprocha ses origines, jamais on ne la considéra comme différente et elle grandit baignée dans cette culture si différente de celle qui aurait du être la sienne. On envia son charme européen, on la cajola et elle devint très rapidement le centre d'intérêt. Choyée et aimée, elle ne regretta jamais que ses parents l'aient abandonnés car sa véritable famille ce fut ces gens qui avaient su l'accueillir quand ses propres géniteurs l'avaient rejetée. Ses amis furent ces gens qui la traitèrent en princesse car au milieu des autres, elle détonna de par son charme européen. Heureuse et resplendissante, elle suscite les regards. On la convoite et les demandes en mariage affluent au point où ses parents ne savent plus où donner de la tête et pourtant ils durent choisir.

A 15 ans, on la maria à un homme extrêmement riche mais extrêmement vieux. Ce fut le début de la fin car sa vie paisible auprès de sa famille allait prendre fin et ce, sans retour en arrière possible. Elle avait 16 ans quand son mari mourut, quand on la condamna à la mort, à l'oubli et qu'elle se révolta. Non pas qu'elle rejetait la tradition indienne mais à 16 ans, peut-on être prête à mourir? Elle savait ce qui l'attendait lorsqu'on lui annonça la mort de son époux : le rituel de la Sati. Brûlée vive sur l'autel de la tradition, destinée à s'envoler là-haut en compagnie de celui auquel on l'a destinée pour la vie. Elle ne peut se résigner, c'est une mise à mort et elle refuse de s'y rendre de son plein gré. Emmenée de force, traînée jusqu'à l’échafaud, elle a beau pleurer, supplier ou même hurler, rien ne les fait fléchir. Elle est bien trop jeune pour mourir, la vie est devant elle, pas derrière. Ce besoin irrépressible de vie est en elle, elle est pleine de fougue à ce moment et elle veut fuir ce destin si funeste mais a-t-elle vraiment le choix? Elle se résigne et sent la chaleur des flammes lécher son visage. Bientôt le feu atteindra son corps, l'emmenant loin d'ici et ce, même si elle s'y refuse. Soudain, ses yeux sombres sont face à elle et le feu semble avoir disparu. Sans trop comprendre comment, Satya sait qu'elle est sauvée et doucement les dos de sa famille, ses amis se tournent. Ils s'estompent dans un nuage de fumée, silhouette de plus en plus lointaine qui ne peuvent plus la regarder sans voir le déshonneur qu'elle représente. Elle vit et le prix, c'est l'exil...

II. Il était une foi l'Amour

Reniée par ce peuple qui m'avait accueillie, quel autre choix avais-je? Je l'ai suivie, elle, qui m'avait sauvé la vie. Elle était belle, elle était lointaine et au fond, de suite, elle m'est apparue telle une divinité. Sarah et moi, je m'imaginais que ce serait juste un temps, un temps très court. Je n'avais nul part où aller, nul part avec qui aller et nous avons donc pris la route ensemble. De fil en aiguille, les jours sont devenus des semaines puis des mois et enfin des années. J'ai parfois l'impression que cela fait une éternité que je suis à ses côtés mais au fond, ça ne fait que 10 ans. Au départ, la route devait prendre fin un peu plus loi, au détour d'un autre chemin mais quand on doit quitter l'endroit où on a toujours vécu et que nous ne possédons aucun talent, notre choix reste limité. Désarmée face à ce monde dont elle ignore tout, sans défenses et où la seule certitude qu'on a, c'est cette femme qui nous a sauvée, que peut-on faire d'autre? Elle l'a suivie à travers son pays, à travers d'autres pays. En 10 ans, elle n'a jamais pu se poser longtemps quelque part, bien trop avide de découvertes. Elle a emmagasiné des informations sur toutes les cultures qu'elle a pu découvrir et aujourd’hui, elle connait l'essence même de nombreux endroits.

Sarah est devenu un tout pour elle. Au début, elle se méfiait car au fond l'inconnu effraie toujours; au début, en tout cas... Elle doutait de pouvoir accorder sa confiance à cette femme aux habitudes si troublantes, à la jeunesse si éternelle. Car durant cette décennie, jamais les traits gracieux de sa protectrice ne se sont parés de minuscules ridules, signes du temps qui passe. Elle sait que tout en elle est surnaturel et bien des fois, elle a perçu la noirceur dans son âme. Le regard fou par moment, Sarah semble prête à tout mais jamais elle n'a levé la main sur elle. Même si la vampire est capable du pire, Satya sait qu'elle est un être à part dans sa vie, qu'elle su mériter sa protection. D'abord effrayée, la petite s'est attachée à cette femme aux qualités formidables mais aussi aux vices cachés effrayants. Satya lui pardonne tous ses défauts car au fond, au fil du temps, la peur a fait place au respect, qui lui même à laisser place à l'admiration qui s'est transformé en un amour. Il n'est pas question d'amour hors norme, bien au contraire. On parle ici d'un amour pur, d'un amour sain telle celui liant une mère et son enfant. Satya se dit parfois qu'elle a eu de la chance par rapport à d'autres enfants : la Destinée ne lui a pas donné une mère mais bien trois : celle qui l'a abandonnée, celle qui l'a recueillie et celle qui l'a ouverte au monde. La première ne lui inspire que de l'indifférence, al deuxième un respect teinté d'un amour infini et la troisième un amour admiratif et fusionnel.

Elle aime Sarah comme une mère et au fond, elle la considère comme telle. Parfois, elle se sent frustrée car malgré tout son amour, elle n'a pas réussi à lui faire oublier qu'on lui a, il y a de cela bien longtemps, volé le droit d'être mère. Parfois, Sarah se trompe, l’appelle Jane et alors Satya la hait mais très vite elle ne l'aime que plus fort car la douleur la rend merveilleusement humaine. Mais il y a l'amour et l'Amour. Deux sentiments si semblables et pourtant si différents. L'un est pur, l'autre coupable, le second trahit le premier. Elle l'a écoutée, elle l'a entendue et elle l'a découvert. C'est à travers ses yeux à elle qu'elle a découvert cet être qui habite la coeur de sa mère. Elle l'a deviné plus qu'elle ne l'a connu, elle l'a imaginé plus qu'elle ne l'a observé et progressivement une douce rêverie a pris naissance en elle. Elle l'a rêvé, désiré et elle l'a imaginé. Il est devenu son prince charmant et si au début, elle secouait la tête dans la négative en s'imaginant avec lui, progressivement, elle se dit que peut-être que... Elle ne s'en rend pas compte mais il devient le centre de sa vie. Il est la perfection, il est son prince et alors elle se rend compte qu'elle est amoureuse. Le jour où résonnent dans sa tête cette certitude : "Je suis amoureuse de Lui sans même réellement le connaître"; elle ne peut faire qu'une chose fuir...

III. Il était une foi la Lune

Satya n'a pas pris la fuite, bien au contraire. Au fond, où aurait-elle pu aller? Après autant de temps auprès d'une même personne, on ne s'imagine plus vivre loin d'elle. Elle a besoin que l'on veille sur elle, que l'on la protège. Avoir son approbation, c'est primordial pour Satya car au fond, elle est son guide. Elle a besoin que l'on la conseille pour pouvoir avancer, pour choisir le bon chemin. Quoiqu'elle pense, qu'elle entreprenne, Sarah n'est jamais loin et rien ne se fait vraiment sans en avoir eu l'avis au préalable. Une certaine dépendance s'est instaurée mais le caractère enfantin de Satya y trouve son compte. Elle a au fond d'elle ce besoin constant d'être maternée et pour cette simple raison, elle se sent tiraillée entre deux êtres, celui qui viendra compléter son âme, celle qui a empli son être de joie. Que choisir?

Il y eut cette nuit où l'angoisse de perdre sa mère lui devint insupportable, où l'air de sa chambre devint terriblement irrespirable. Sensation d'étouffer, sentiment d'oppression et ce besoin de quitter ces murs qui nous emprisonnent. Cette nuit là, elle quitta les Mystères de l'Orient sur la pointe des pieds. Elle erra longuement dans les rues, au gré de ses envies, au gré du vent. Elle laissa ses pas l'amener à vider son esprit pour ne plus y laisser qu'une douce mélodie sans fausses notes. Elle chantonne doucement et seulement alors, elle songe à renter. Elle n'a pas le temps de sentir l’ombre s'approcher d'elle que déjà elle sent la morsure dans son coup. Elle ressent la douleur, elle la foudroie, parcourt tout son corps. Elle perçoit le sang qui s'écoule de son cou, poisseux, fluide, il se répand pour la noyer. Elle le sent l'étouffer, l’oppresser et la douleur est de plus en plus intense. Les crocs semblent s'enfoncer toujours plus profondément dans son cou, la douleur se fait de plus en plus vive puis c'est le point mort. Plus de douleur, plus de sensation, juste le néant. Elle émerge doucement et elle ne saurait dire si ce sont des secondes, des minutes ou des heures qui se sont écoulées. Son corps est endolori, douloureux, endormi... Elle se relève péniblement et chancèle sur ses pieds. De cette nuit là, elle ne garde que peu de souvenirs, juste une sensation douloureuse et un doute car elle ne sait comment elle est rentrée, comment elle est parvenue jusqu'à son lit.

Le lendemain matin, elle a vu le sang sur ses habits. Elle a constaté la morsure de son cou. Tout nettoyé, enlevé la souillure mais sans pour autant avoir le moindre souvenir de ce qui a bien pu se passer. Une histoire que l'on classe dans son esprit, que l'on oublie et on reprendre notre petite vie. Puis, il y eut cette pleine lune, la transformation douloureuse et l'horrible constat : transformée en louve garou. Triste état, glorieux état, elle s'est habituée aux transformations, à devoir cacher sa véritable nature au regard des autres. Il y a juste Sarah, Alec et elle. C'est cela son monde... avec la Lune...

IV. Il était une foi la Vie

Satya continue son petit bonhomme de chemin. Elle a sa vie, elle est la vie. Vivre, voilà ce qui fut son plus cher souhait et cela le reste encore aujourd'hui. Sarah est et reste sa mère de substitution et elle lui est tellement attachée qu'elle s'imagine péniblement la trahir. Elle craint de la perdre si jamais elle venait à déclarer sa flamme à Alec. Le moment de choisir n'est pas encore venu et elle espère que l'échéance sera la plus tardive possible. Que dire de plus de la petite Satya? Ah oui, on aurait presque pu oublier qu'au dehors se trament des choses étranges. La prise de pouvoir du Lord, elle ne l'a vécu que de loin. Elle a observé les choses se passer sans y prendre part. Elle a du choisir un camp et étrangement, elle a choisi de se rallier à la source de Pouvoir. Le monde est empli de loups prêt à se manger entre eux mais si jamais la meute doit faire face à une autre meute ennemie, alors là on peut espérer être à l'abri. Voilà pourquoi, elle affiche une attitude méprisante face à ces pauvres petites créatures que sont les nés moldus.

Elle n'est pas insensible face aux tortures constantes qu'ils subissent. Cela ne lui plait pas mais elle ne dit rien, ne fait rien. Elle les laisse faire car elle ne peut aller à contre sens. Elle va même jusqu'à jouer les ferventes partisanes. Le test passé, on lui a diagnostiqué un niveau 2 mais ne croyez pas qu'elle pourrait retourner sa veste, au contraire, elle tend vers le premier niveau sans pour autant l'atteindre, sans doute à cause de sa trop garde naïveté. Elle ne comprends pas et pourtant elle se retrouve à afficher le même mépris. Il lui arrive de douter d'elle-même mais elle ne pourra jamais se séparer de sa fidélité envers la meute, envers le Lord et surtout envers Sarah.

Une dernière petite précision : Satya n'a pas de baguette magique mais n'allez pas croire pour autant qu'elle est une née moldue. Rappelez-vous qu'elle a grandi en Inde et chez elle, la magie était tabou. Ses premières manifestations magiques ont été passées sous silence, jamais on ne lui a enseigné la maîtrise de son pouvoir. Elle a appris à le maîtriser, l'inhiber mais non à l'employer. Maintenant, elle observe ces autres sorciers, tentent de comprendre les trucs et astuces mais elle n'a même pas encore de baguette. Croyez-vous qu'il soit trop tard?